06 July 2011

Foreign Policy Article “Should We Be Afraid of China’s New Aircraft Carrier? Not yet.” Now Available in French as “Faut-il avoir peur du nouveau porte-avions chinois?”

Abraham M. Denmark, Andrew S. Erickson, and Gabriel Collins; Jean-Clément Nau, translator, “Faut-il avoir peur du nouveau porte-avions chinois?” [Should We Be Afraid of China’s New Aircraft Carrier? Not yet.], Foreign Policy, 5 July 2011.

For original English-language article, see Abraham M. Denmark, Andrew S. Erickson, and Gabriel Collins, “Should We Be Afraid of China’s New Aircraft Carrier? Not yet.,” Foreign Policy, 27 June 2011.

Il y a six mois, le général Lui Huaqing mourrait. Il était le père de la marine chinoise moderne, et en fut le commandant de 1982 à 1988 (selon le quotidien d’Etat People’s Daily, il fut aussi un «membre distingué du Parti communiste chinois, un combattant communiste aguerri, un révolutionnaire prolétarien remarquable, un homme politique, un stratège, et un excellent leader, que ce soit au niveau du Parti, de l’Etat ou de l’armée»). Liu voulait transformer la marine chinoise en flotte de défense des côtes; et ce avant d’en faire une flotte de haute mer capable de projeter sa puissance sur de vastes distances.

Le général ne pouvait réaliser ce rêve sans porte-avions. Il aurait même fait cette déclaration: «Si je ne vois pas de porte-avions avant de perdre la vie, je mourrai les yeux ouverts». Liu est peut-être mort les yeux ouverts, mais il peut désormais les fermer. Le premier porte-avions de l’Armée populaire de libération quittera bientôt le port de la base navale de Dalian, dans le nord-est de la Chine. Et dans la majorité des pays de la région Asie-Pacifique, tout comme chez les observateurs américains de l’Asie, on débat aujourd’hui âprement des conséquences possibles de cette nouvelle donne. …

Aux Etats-Unis, les implications militaires directes du nouveau porte-avions chinois sont limitées. L’U.S. Navy sait parfaitement comment détruire une cible de grande taille; un porte-avions chinois ne survivrait sans doute pas plus de quelques heures si un conflit de grande échelle venait à éclater entre la Chine et les Etats-Unis. Et si les deux pays se disputaient un jour le contrôle de Taiwan, un porte-avions ne serait pas d’une grande utilité: la Chine pourrait se contenter de projeter ses forces aériennes depuis ses bases terrestres, situées sur le continent.

Mais dans la région Asie-Pacifique, et tout particulièrement dans la mer de Chine méridionale (où les tensions sont plus intenses), les implications stratégiques du porte-avions chinois pourraient être significatives. La Chine se montre de plus en plus déterminée lorsqu’un conflit survient dans ces eaux riches en ressources et très fréquentées; que ce soit avec le Vietnam ou avec les Philippines. La couverture aérienne assurée par le Varyag pourrait empêcher ces deux pays de se défendre efficacement face à une éventuelle attaque chinoise.

C’est également en Asie du Sud-est que les implications politiques d’un porte-avions chinois ont le plus de poids. La région Asie-Pacifique peut s’attendre à des escales périodiques du Varyag dans les prochaines années. La rhétorique entourant ces escales sera sans doute centrée sur les intentions pacifiques de la Chine et les promesses inhérentes à une coopération avec Pékin; le message sous-jacent (et presque transparent) étant que la Chine est désormais une superpuissance avec laquelle il faut compter. Ces pays se tourneront sans doute alors vers les Etats-Unis pour que ces derniers servent de contrepoids à cette menace militaire implicite, et Washington doit se préparer à répondre à cet appel au mieux de ses intérêts.

Ce serait une erreur que d’exagérer les conséquences stratégiques de l’existence du premier porte-avions chinois. La mise en service du Varyag ne modifiera pas l’équilibre des forces militaires de manière conséquente dans la région Asie-Pacifique, et elle ne remettra pas en question la domination militaire américaine. Mais le porte-avions est un important signe annonciateur des temps à venir.

La puissance maritime de la Chine s’accroît de jour en jour. Lorsque ses porte-avions et ses navires d’escorte sillonneront les eaux du Pacifique occidental, de la mer de Chine méridionale et de l’océan Indien à une fréquence croissante, Washington sera contraint de prendre en considération la volonté sous-jacente de domination militaire continue qui est à la base de sa stratégie d’ensemble. Compte-tenu des contraintes budgétaires qui pèsent aujourd’hui sur les Etats-Unis, il est plus que jamais essentiel d’envisager avec lucidité les intérêts et les défis à long-terme de l’Amérique. L’avenir commence aujourd’hui.

Abraham M. Denmark, conseiller au Center for Naval Analyses. Andrew S. Erickson, enseignant à la U.S. Naval War College et anime un blog. Gabriel Collins, spécialiste des matières premières et des questions de sécurité, est le co-fondateur du site China Sign Report.

Traduit par Jean-Clément Nau